La Mangeuse de fées 10
Pour Midinette
Qui voulait la suite à toute force…
Pour Midinette
Qui voulait la suite à toute force…
Faèle ouvre les yeux et plonge son regard dans deux lacs au bleu de lagon ou semblent avoir chuté les étoiles du ciel…Ils miroitent et l’observent avec une si grande douceur et derrière une telle tristesse que son cœur, d’abord affolé, s’apaise.
Pourtant c’est un Uma qui la contemple alors qu’elle se trouve allongée sur un tissu fin au creux de ses mains. Elle n’ose pas bouger de peur d’interrompre la magie de l’instant. C’est un beau visage qui se penche vers elle, mais c’est surtout les cheveux couleur d’argent étincelant qui la ravissent.
-Bonjour, souffle-t-il délicatement et elle voit dans ses yeux la crainte qu’il a de lui faire peur. Mais la petite fée des bois ne ressent aucune frayeur en sa présence…Elle se sent calme et intriguée. Une émotion qu’elle ne connaît pas donne à son cœur de petits à-coups délicieux…C’est comme un vertige, comme si elle avait bu l’eau magique de la Moonradyr.
-Bonjour, salut-elle à son tour…qui es tu ?
-Je m’appelle Sand. Ne t’inquiète pas je suis ton ami. C’est moi qui t’ai rattrapé avant que tu ne chutes….
Soudain tout revient à Faèle et les souvenirs réveillent la peur. Elle se rappelle les dernières paroles d’Alenka, les menaces qui pèsent sur Alenwen et Rune-Raël. Elle se tourne en tous sens pour voir ou se trouve l’affreuse Uma qui la garde prisonnière. Mais il semble qu’hormis les fées captives et Sand, la pièce soit vide. Le garçon a l’air si gentil. Peut être est-ce leur chance ?
-Où est-elle ?
-N’ais crainte. Le roi l’a fait mander. Elle ne reviendra pas de si tôt.
-Mais tu es un Uma, pourquoi m’as-tu sauvée ?
-Comment aurais-je pu te laisser mourir ? Nous ne sommes pas tous comme Alenka. Beaucoup d’entre nous respectent la vie et surtout la puissance de Murmurante. Et c’est elle qui t’a enfantée.
-Murmurante ?
-C’est le nom que nous donnons à la forêt sacrée.
-Rune-Raël, souffle Faèle. Si tu aimes la vie, tu dois m’aider Sand, supplie-t-elle. Tu dois nous délivrer, mes frères, mes sœurs et moi. Nous ne pouvons rester à sa merci.
Le garçon pousse un grand soupir et avec délicatesse la repose sur la table ou se trouve la cage aux fées et l’antre d’Alcora, l’horrible araignée.
-Si je pouvais je le ferais, crois-moi, petite fée….Mais hélas, je suis comme toi…
Et d’un geste, il lève ses mains. Elles sont cerclées de fer et une chaîne aux maillons épais relie les entraves à celles qui sont à ses pieds avant de rejoindre un crochet, fixé solidement à l’un des murs de la pièce.
Faèle est bouleversée. Comment peut-on faire ça à son semblable, un enfant qui plus est ? Plus le temps passe et plus elle prend la mesure de la cruauté de la Mangeuse de Fées. N’y-a-t-il donc aucun espoir, aucun moyen de lui échapper, d’empêcher un désastre ?
-Il y a plusieurs années, Le roi de la Marche a déclaré la guerre a mon royaume et j’ai été capturé tout petit et vendu comme esclave. Alenka m’a acheté et fait de moi son serviteur. Je sais lire dans l’esprit des gens et ce pouvoir lui est très précieux.
- Les Umas savent lire les pensées ?
-Certains d’entre-nous oui, qui venons de Shalyze…
-Shalyze...Qu’est-ce que c’est ?
-Un lieu ou dit-on la magie crée la vie. Vois-tu je ne suis pas né d’une femme et d’un homme mais de la Pluie de Lune de Shalize. La légende prétend que le dieu nous façonne pour une tâche bien précise et que lorsque celle-ci est accomplie, nous redevenons poussière de lune et nous nous envolons pour rejoindre le ciel d’où nous sommes venus.
-C’est beau, murmure Faèle. Peut être que tu es ici pour secourir les Yr, Sand ? Peut être est-ce la ton destin ?
-J’aimerais bien petite fée. Mais comment le pourrais-je si je ne peux me délivrer moi-même ?
-Il y a sûrement un moyen. Il faut que je le trouve…Je ne peux pas laisser cette femme détruire Alenwen. Jamais je ne la laisserais faire.
-Je t’aiderai Faèle, si tu trouves le moyen. Tu peux compter sur mon aide.
-Merci Sand.
Et dans l’esprit fatigué de la petite fée des Bois, apparaissent les trois étranges cadeaux de l’Impardarel.
Le temps est venu de les utiliser.
Salambô a tenu sa promesse.
Suivant la démarche ondulante du félin, le loup et la musaraigne ont traversé la ville jusqu’aux remparts et se faufilant dans des crevasses étroites et quelques passages secrets, ont réussi à entrer dans l’enceinte du palais.
Car la personne qu’elle souhaite leur faire connaître y réside.
Malgré les sentinelles et les nombreuses patrouilles, grâce à la ruse du chat, les trois compères parviennent sans encombre devant une grande porte sur laquelle est sculptée la silhouette d’un arbre couronné.
Salambô se met à griffer le bas de la porte avec insistance sous le regard inquiet de Lhyrr, qui se demande s’il n’as pas fait une erreur en faisant confiance à cet animal fantasque. Dans sa fourrure Petite Dent tremble de peur.
Quelle n’est pas leur surprise en voyant s’ouvrir une petite trappe, à peine assez grande pour laisser passer le loup.
Une fois tout le monde entré, elle se referme en silence et Lhyrr peut enfin dévisager leur hôte.
Il n’a jamais vu un tel animal. Bien qu’il ressemble aux hermines de Rune-Rael, il n’en a pas la beauté. Ses yeux sont deux perles noires qui brillent d’intelligence et le toisent malgré sa petite taille. Il semble très agité mais ça n’a pas l’air d’inquiéter Salambô.
-Lhyrr je te prezente Arto, le furet du petit prince.
-Un furet ??? C’est quoi, fait la musaraigne, perplexe.
-Hé bien c’est moi, rétorque le dénommé Arto d’un air guindé en regardant Petite Dent de travers.
-Ah ezcuze-les, y viennent de la campagne, enfin de la forêt. Les zats et les furets za ne cours pas les bois là-bas….
-Que me vaut l’honneur de cette visite à une heure aussi tardive, Salambô ?
-Hé bien zez braves zens ont perdu une fée et on vu les trazes d’un arbre qui marse. Me zuis dit que le petit muzisien aimerait leur parler, non ?
Le furet s’agite encore plus.
-Bien sur, pauvre âne bâté ! Et tu crois que le prince ne verra pas le loup quand il sera devant son lit !!N’es-tu pas devenu folle à force d’errer près des ordures ?
-Ben, mais, il ne dort pas à zette heure ? Se récrie la chatte un peu vexée.
-Non, soupire le furet qui parait soudain fort triste. Il est trop malade pour ça.
Nous attendons Alenka. Donc même si le petit prince ne vous voie pas, ce sera la servante ou la guérisseuse qui vous trouvera. Partez, je vous en prie.
-Non, rétorque Lhyrr d’un ton ferme. Notre amie est en danger. Nous devons trouver le moyen de la sauver et le plus vite possible. Ce musicien dont parle Salambô, ne peut-il venir jusqu’ici ?
-Non, c’est impossible, il joue pour le prince.
Lhyrr reste un instant songeur puis finalement se penche sur Petite Dent.
-Je crois que nous n’avons pas le choix, petit frère. C’est à toi de jouer. Tu dois y aller tout seul.
-Mo moa…moi ??? Bafouille la musaraigne effarée.
-Allez, tu n’iras pas tout zeul, ronronne la chatte avec un grand sourire pointu, plutôt effrayant. Je veux bien venir avec toi.
Le rongeur la regarde avec horreur.
-Ah oui là c’est sûr…je me sens plus rassuré, gémit-il en implorant le loup d’un œil larmoyant.
-hum, je pense qu’il peut y aller seul avec Arto non ? Cela causera moins de problème. Je compte sur toi, l’ami. Il faut absolument retrouver Faèle.
La petite musaraigne hoche fermement la tête.
Oui, elle peut le faire, pour la petite fée des bois qui lui manque tant.
Arto et Petite Dent s’éclipsent sans un bruit et disparaissent dans l’ombre, laissant derrière eux un loup très inquiet pour la suite des évènements.
